dimanche 17 janvier 2021

Donas et Archipenko

 Un échantillon très limité (et subjectif) d'œuvres de Donas et d'Archipenko peut tout au plus, sans prétendre à une analyse stylistique, souligner des échos, illustrer des résonances entre les recherches de l’un et de l’autre.

                                


    Marthe DONAS

 

 

 

L’intérêt d’Alexander Archipenko pour évoquer le mouvement à partir de formes abstraites se reflète dans les peintures de Marthe Donas.

 

« La rencontre capitale eut lieu en 1917. 

Déjà conquise au cubisme, elle affina ses recherches au contact des sculptures fortement charpentées et introduisit les volumes, les plans et l’espace dans des compositions souplement structurées qui conservèrent toujours un rapport avec la figuration.  


Elle épure les formes, conserve l’essentiel des lignes pour définir les figures, associe des éléments disparates, fait intervenir le collage de matériaux divers, joint du sable à l’huile pour obtenir un grain, multiplie les couleurs et fait montre d’une remarquable maîtrise technique. 

En 1920, elle franchit un pas décisif, ses compositions sont strictement abstraites et retrouvent la planéité.»    (Claude Lorent*)

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

   Donas écrit alors à Theo Van Doesburg :  

Après…  que ferons-nous ? Il n’y a presque plus de progrès ni de changement possible. 

N’est-ce pas aller trop vite ? 

 

En 1927 elle arrêtera de peindre, pour vingt ans. 

  

Dans le cubisme et l'abstraction, elle suivait une quête ultime : 

«L'art existe, est soi-même, n'est pas un objet matérialiste. Il est abstrait ».   

- Femme se poudrant, Poupée cubiste, Deux femmes       

 

 

     

 

             Alexander ARCHIPENKO


     

     De tous les grands sculpteurs du XXe siècle l'un des moins connus, Archipenko joua un rôle considérable dans la renaissance de la sculpture contemporaine avant de s’orienter vers ce qu’il appela la sculpto-peinture.

 


 

 

    

       

 

      

 "Les masses corporelles simplifiées d'une façon stéréométrique, les formes en biseau, les angles aigus, les fractures cristallines issues de l'inventaire formel du cubisme, l'évidement des volumes tout en maintenant l'aspect figuratif, réussissent l’union entre rigueur formelle et attrait ludique, et unifient en une forme les quatre insaisissables : l'espace, la lumière, la transparence et le reflet."    (Francis Rousseau*)

 

 

 

 

  Sa démarche théorique témoigne d’une rare exigence formelle et intellectuelle, et d’une volonté inépuisable de pousser toujours plus avant la recherche.

 

" Il veut trouver les formes les plus abstraites, les plus symboliques, les plus nouvelles, et pouvoir les modifier à sa guise."  (G. Apollinaire)   

  - Woman with a Fan, Standing Woman, The Queen of Sheba, Reclining Torso, Architectural Figure

 

Claire Papageorgiadis

* sources : lalibre.be/culture/arts 13/03/2016 - astilllifecollection.blogspot.com

https://www.youtube.com/watch?v=Bc5pYfQz7O8      




mardi 8 décembre 2020

L'indo-européen : une fable, selon G.Semerano

 

Cet article succinct n’a d’autre ambition que de signaler l’existence des travaux du philologue italien Giovanni Semerano (1911-2005), directeur de la Biblioteca Laurenziana, de la Bibliothèque Nationale Centrale de Florence, membre honoraire de l’Accademia Etrusca et de l’Oriental Institute de Chicago.


Bibliographie (ouvrages non traduits)

Le origini della cultura europea, 1984

Dizionari etimologici. Basi semitiche delle lingue europee. Dizionario della lingua greca, 1994

Il popolo che sconfisse la morte. Gli Etruschi e la loro lingua, 2003 

L'infinito: un equivoco millenario. Le antiche civiltà del Vicino Oriente e le origini del pensiero greco, 2004

La favola dell'indoeuropeo, 2005


     L’indo-européen, une fable : telle est l’opinion d’un chercheur dont le travail discret a consisté en une analyse infatigable, une fouille méticuleuse à la recherche du sens originel des mots. Cet intellectuel dérangeant a vécu dans l’ombre, et il ne doit qu’à quelques philosophes italiens actuels d’être un peu sorti de l’exil où le confinaient ses positions, peu orthodoxes aux yeux des milieux académiques.

    Pour les tenants de l’indo-européisme, nombre des idiomes méditerranéens et d’Europe centrale dérivent de l’Asie transcaucasienne indo-aryenne. Et l’hypothèse d’une transmigration linguistique, par étapes, de la vallée de l’Indus vers le bassin méditerranéen, séduisante mais non confirmée par des preuves scientifiques, a fini par devenir une sorte de dogme culturel. Le terme indo‑européen a été introduit en 1816 par l'Allemand Franz Bopp pour désigner un ensemble de langues d'Europe et d'Asie dont la parenté structurale s’est révélée remarquable. Les études historiques et comparatives des langues ont fait naître l'idée qu'en des temps très anciens aurait existé une population d’Indo‑européens. Aucun vestige historique ne l'attestant, cette existence n’étant étayée que par des considérations linguistiques, il ne s’agit donc que d’une hypothèse. Mais les linguistes admettent le présupposé selon lequel chacun des groupes linguistiques comparés procède d'évolutions divergentes à partir de formes originelles disparues.

    Semerano développe la thèse que la généalogie de notre culture ne s’arrête pas à la civilisation grecque, mais qu’elle remonte jusqu’au coeur des civilisations antiques du Moyen-Orient. Il entend illustrer comment les langues habituellement regroupées comme indo‑européeennes dérivent en réalité de l’akkadien-sumérien, la langue qui est à l’origine de l’assyrien et du babylonien et qui témoigne du rayonnement de la culture sémitique. L’intuition historique de départ est que les croisements entre les peuples étaient plus complexes et plus fluides qu’on ne le croit et qu’un lien de fraternité culturelle lie depuis cinq mille ans l’Europe à la Mésopotamie antique.

 

    Trop souvent les dictionnaires mentionnent pour certains termes : « étymologie inconnue, ignorée, unbekannt, unknown ». Alors que, constate Semerano, ces étymologies « inconnues » livrent leur secret si on prend comme cadre de référence la langue akkadienne parlée par les marchands d’Anatolie, de Syrie, de Mésopotamie et utilisée par les souverains dans leurs rapports avec l’Égypte au IIIe millénaire a.C., au moment du plein épanouissement de la civilisation sumérienne. En 1975, la découverte en Syrie des milliers de tablettes cunéiformes d’Ebla, contenant des listes lexicales en sumérien destinées probablement à la formation des scribes, conforta la théorie que Semerano expose dans Le origini della cultura europea: rivelazioni della linguistica storica (4 vol.) et dans les Dizionari etimologici (2 vol.), celle d'une koinè culturelle et linguistique entre les antiques civilisations mésopotamiennes et sémitiques et le bassin méditerranéen. Les sciences, les arts, les premiers éléments de droit arrivèrent de Sumer, d'Akkad, de Babylone, en Occident grâce aux conquêtes de Sargon II, fondateur de la dynastie d'Akkad.

    Pour citer Semerano : « Les mots sont plus tenaces que les pierres. Leur secret s’écoute comme on entend dans un coquillage l’écho des abysses océaniques. Ce sont les voix de peuples disparus mais dont le message continue à nous parvenir, comme celui des étoiles éteintes. Par exemple, le mot [italien] mano [main en français], du latin manus, est unbekannt, inconnu, dans les dictionnaires étymologiques. Mais ce mot est remarquablement transparent, parce que manu en akkadien signifie ‘compter, calculer’ : voilà donc la main comme instrument pour calculer. Et en araméen manja désigne l’unité de mesure équivalente à 480 grammes, autant que ce qu’une main peut contenir». De ce même mot akkadien manu pourraient aussi dériver moon en anglais et Mond en allemand, pour désigner la lune, l’astre qui servait aux Anciens pour calculer le temps.

    L’akkadien est une langue sémitique qui a conservé beaucoup d’éléments du sumérien, plus ancien. Plus loin encore dans le temps, on trouve les langues sémitiques méditerranéennes, comme le cananéen, l’araméen, à l’origine entre autres de l’étrusque. Les langues sémitiques construisent leurs mots sur une racine trilittère, le plus souvent verbale, formée de trois consonnes porteuses du sens fondamental du lexème qui en dérive. En raison de leur origine commune, elles partagent beaucoup de mots et de racines :

akkadien

araméen

arabe

hébreu


zikaru

dikrā

ḏakar

zåḵår

(mâle)

maliku

malkā

malik

mĕlĕḵ

(roi)

imêru

ḥamārā

ḥimār

ḥămōr

(âne)

    L’écriture des Etrusques restait indéchiffrable tant qu’on ne voyait que la Toscane comme origine de cette culture à l’exclusion d’autres pistes, même si Hérodote avait écrit que les Etrusques provenaient de la Lydie, en Anatolie. Semerano la déchiffra en partant de l’akkadien, lorsqu’on lui demanda d’examiner l’étymologie du mot Italia, que l’on tenait jusque là comme « terre des veaux », de vitulus (veau). Il signala que le i de vitulus était bref, alors que le i de Italia est long, ce qui permettait de présumer que le terme venait de l’akkadien atulu, qui signifie terre où se couche le soleil, auquel correspondait le mot étrusque hinthial qui veut dire ombre. La traduction des tablettes d’Elba vint opportunément corroborer l’interprétation de Semerano.

    Dans L’infinito: un equivoco millenario [L’infini : une équivoque millénaire], un de ses derniers ouvrages, Semerano démontre que le terme d’Anaximandre apeiron, le premier mot de la philosophie grecque, née comme chacun sait en Asie Mineure, veut simplement dire terre, poussière, boue, de l’akkadien eperu, proche du sémitique apar, d’où l’hébreu aphar. N’y a-t-il pas ici affinité avec le motif de la culture sémite où le Créateur modèle le premier homme avec l’aphar, avec la poussière de la Terre et le condamne à se dissoudre dans l’aphar, à retourner dans la poussière, bien plus qu’avec la tradition philosophique apeiron est traduit par infini, illimité, indéterminé, avec toutes les implications qui s’ensuivent ?

   Les étymologies proposées par Semerano ne se fondent pas sur des idées préconçues ou sur de simples ressemblances phonétiques ; chaque mot analysé est mis en rapport avec des objets concrets ou des croyances religieuses précises, pour arriver à la conclusion radicale que dans aucune langue des peuples très anciens qui ont sillonné notre continent on ne trouve trace de l'hypothétique indo-européen. Il n'est pas exclu que, comme tout un chacun, Semerano puisse se tromper ; mais en admettant l'hypothèse que certaines de ses positions intellectuelles se révèlent erronées, l'ampleur et la richesse culturelle de son travail ne peuvent manquer de susciter chez qui l'aborde une interrogation féconde sur les origines de notre identité.

Claire Papageorgiadis

mardi 7 avril 2020

R. COTRONEO, Lettre à mon fils sur l'amour des livres






Nous sommes les versets, les paroles ou les lettres d'un livre magique, et ce livre incessant est la seule chose qui existe au monde : plus exactement il est le monde. (J.L.Borges)


    Il y a les jeunes lecteurs boulimiques – assez rares, d'accord – pour qui Moderato Cantabile risque d'être avalé à la même allure qu'un des romans vendus à la tonne. Il y a ceux qui ne lisent pas et que cela ne dispense toutefois pas de l'épreuve des « fiches de lecture » pour lesquelles ils repèrent les romans les plus brefs, quitte à se colleter en solitaire avec La Chute ou La Métamorphose. Et il y a les autres, qui « ne détestent pas lire, mais ... » qui pourraient lire peut-être plus et sans doute mieux, si on leur montrait en quoi cela consiste. Lire en classe un roman en entier (ce qui ne veut pas dire page à page) demande beaucoup de temps et l'enseignant se croit plus souvent contraint de « voir » six auteurs en trois heures qu'autorisé à en « lire » un en trois semaines. Par ailleurs, peu de jeunes probablement rencontreront un adulte qui ait le loisir de lire avec eux, de s'embarquer dans un parcours où l'on peut s'arrêter, regarder en arrière ou sur le côté, se souvenir, s'étonner que le relief change avec la lumière.

    Roberto Cotroneo, qui fut responsable des pages culturelles de L'Espresso, pourrait être cet adulte. Sa Lettre à mon fils sur l'amour des livres montre comment on peut avec beaucoup de bonheur apprendre à lire, comme on peut apprendre à voir et apprendre à vivre.

    Parce que, dans un parc, une coccinelle s'est un jour posée sur la main de Francesco (deux ans et demi), ses parents lui achètent un livre cartonné à spirale avec une grande coccinelle dessinée sur la couverture. Pour qu'il sache, très tôt, que les livres ne parlent pas d'autre chose que de ce qu'on rencontre dans la vie et que les choses de la vie, quand et comment on les raconte, peuvent différemment prendre sens. Pour qu'il ait plus tard envie d'autres livres qu'il puisse faire dialoguer entre eux et avec le monde.

    Cotroneo entreprend de parler à son petit garçon de quelques auteurs qu'il choisit comme autant d'étapes du cheminement qui mène à l'adolescence et aux premiers stades de la maturité. En lui recommandant de ne pas vénérer benoîtement les chefs-d'oeuvre, et en lui souhaitant d'échapper aux professeurs qui enseignent à photographier, en touriste, les sommets du génie universel plutôt qu'à les escalader...

    La traduction française a retenu le sous-titre de l'édition italienne dont le titre original Se una mattina d'estate un bambino est un hommage au fabuleux roman d'Italo Cavino Si par une nuit d'hiver un voyageur, une approche brillante des rapports complexes pouvant se tisser entre le livre et le lecteur, une réflexion féconde sur l'acte de lecture envisagé comme l'édification d'une architecture qui ébranle les oppositions primaires entre le vrai et le faux, le réel et l'imaginaire.

    Quitter l'enfance, devenir grand, n'est pas chose aisée. C'est accéder à la découverte, à la conscience, à l'infinie variété de ce qui est autre et toujours ambigu, jamais acquis. Cotroneo nous dit de façon simple et claire que les vrais livres, les livres nécessaires, sont ceux que la relecture n'épuise pas mais qui continuent à vivre et à donner de nouveaux fruits quand ont été cueillis les précédents. Ce ne sont pas ceux qui présentent des modèles, qui rassurent, distraient ou anesthésient, mais ceux qui provoquent des rencontres parfois sombres, souvent inquiétantes, toujours vivifiantes, qui racontent de grandes histoires plutôt que de « belles histoires ».

    Le point de départ de ce voyage en littérature, un chapitre intitulé « L'inquiétude », évoque ainsi la peur couplée à la curiosité et à l'envie de découvrir ; c'est une plongée dans L'Ile au trésor de R.L.Stevenson, en apparence l'un des romans les plus allègres et les plus riches d'aventures. S'il s'agit effectivement d'un livre pour enfants, ce n'est pas selon l'idée reçue qu'il y est question de pirates et d'abordages, mais en ce qu'un tel récit révèle que la frontière est ténue entre le bien et le mal, que les idées folles et salvatrices appartiennent à la jeunesse, et que l'aventure est un parcours inévitable et douloureux. Quand vous savez que des gens comme le terrible John Silver vivent au fond du précipice visité par Stevenson, il est bon de savoir également que si vous jouez près du bord, quelqu'un peut toujours se trouver là pour vous rattraper.

    Le chapitre « La tendresse » - au titre moins paradoxal qu'il n'y paraît - met en lumière, dans L'Attrape-coeur de J.D.Salinger, la force du sarcasme, de l'ironie et de la transgression quand celle-ci pourfend le conformisme pour ouvrir la voie au coeur et à l'émotion. Cette histoire d'un adolescent en quête de générosité stigmatise une société où la médiocrité passe pour de la grandeur et où la rhétorique masque toutes les petitesses. Qu'importe si le jeune héros trébuche sur la citation d'un poème, l'essentiel est qu'il découvre la poésie de R.Burns et qu'il y reconnaisse son désir.

    La poésie sera abordée dans le chapitre suivant, « La passion », qui explore des textes de T.S.Eliot. On y entre par une digression sur le théâtre dont l'auteur a fait la découverte lorsque dans sa ville natale quelqu'un venu d'ailleurs a monté une petite troupe, pour déranger sans fracas la mesure qui réglait chaque geste et chaque sentiment d'une cité raisonnable, où pas plus que le personnage du Chant d'amour de John Alfred Prufrock on n'aurait osé troubler l'univers. Un commentaire pas à pas de quelques vers de La terre vaine débusque la vanité prétentieuse de la fausse culture (qui trouve « génial ! » tout et rien) autant que la fatuité de l'ignorance satisfaite.

    C'est alors presque par contraste que se pose le problème de l'excès dans l'ambition qui peut animer un tempérament d'artiste, et de l'orgueil susceptible de le détruire. Les musiciens du roman de T.Bernhard Le Naufragé vivent le drame sur lequel Milos Forman a bâti Amadeus. Le chapitre « Le talent » évoque la tragédie de son anéantissement face au génie. La lecture d'une fiction qui gravite autour de Glenn Gould et que l'auteur confronte au film de Sautet Un coeur en hiver montre qu'il importe d'être envers soi sévère mais surtout généreux.

    A la fin, avec un grand talent de conteur, Cotroneo, qui s'est toujours figuré les personnages de la littérature en train de regarder le monde comme ils regarderaient tous ensemble la télévision (Ulysse et Madame Bovary, Leopold Blum et Hamlet avec Guillaume de Baskerville...) rassemble dans un château imaginaire tous ceux qui sont maintenant entrés dans le monde du lecteur. « Et un jour, dans le château de papier, un vieillard » aveugle vient leur parler ; il rappelle combien rompre avec l'oralité et lire en silence fut au début un art étrange ; il évoque les livres sacrés : « nous sommes, explique-t-il, les versets, les paroles ou les lettres d'un livre magique, et ce livre incessant est la seule chose qui existe au monde : plus exactement il est le monde ».

    Et puisque « il était une fois une coccinelle »..., la petite bestiole du début était là elle aussi, posée sur le revers de la veste de J.L.Borges. Et c'était une coccinelle qui avait un pouvoir magique : cachée entre les feuillets, elle pouvait déplacer les lettres d'une page à l'autre. C'est pour cela que chaque fois qu'on lit un livre, on lit toujours une histoire un peu différente...

    Que les livres parlent entre eux, que les auteurs, les siècles et les littératures se croisent, que les confondre et les mêler nourrit le regard qu'on porte aux choses, voilà qui ne s'apprend jamais assez tôt... ni trop tard. Cet essai, rédigé sur un ton d'une extrême simplicité, habité d'une exigence toujours à l'affût de ce qui est authentique et essentiel, éclairera les grands adolescents qui ne demandent souvent qu'à savoir « à quoi cela sert de lire » et les adultes qui ne savent parfois pas très bien comment formuler la réponse.


Claire Papageorgiadis





Roberto Cotroneo
Lettre à mon fils sur l'amour des livres
traduit de l'italien par François Rosso
Paris, Calmann-Lévy, 1997
essai, 171 pages
publié dans Indications, 1998
 

mercredi 14 novembre 2018

Vivaldi, Sonnets des quatre saisons





Vivaldi, Sonnets des QUATRE SAISONS



Cette traduction inédite cherche à approcher le rythme d'un sonnet et à restituer,

à défaut de rimes, des jeux de sonorité.




Primavera

Giunt'è la primavera e festosetti
la salutan gli augei con lieto canto
e i fonti allo spirar de' zeffiretti
con dolce mormorio scorrono intanto.

Vengon coprendo l'aer di nero ammanto
e lampi e tuoni ad annunziarla eletti;
indi, tacendo questi, gli augelletti
intonan di nuovo al lor canoro incanto.

E quindi sul fiorito ameno prato
al caro mormorio di fronde e piante
dorme 'l caprar col fido cane a lato

di pastoral zampogna al suon festante
danzan ninfe e pastor nel tetto amato
di primavera all'apparir brillante



 


Estate
Sotto dura stagion dal sole accesa
langue l'uom, langue il gregge ed arde il pino,
scioglie il cucco la voce, e tosto intesa
canta la tortorella e 'l gardellino.

Zeffiro dolce spira, ma contesa
muove Borea improvvisa al suo vicino;
e piange il pastorel perché sospesa
teme fiera borasca e 'l suo destino

Toglie alle membra lasse il suo riposo
il timore de' lampi e tuoni fieri
e di mosche e mosconi il stuol furioso

Oh, che purtroppo i suoi timor son veri:
tuona e fulmina il ciel e grandinoso
tronca il capo alle spiche e a' grani alteri


 




Autunno
Celebra il villanel con balli e canti
del felice raccolto il bel piacere,
e del liquor di Bacco accesi tanti
finiscono col sonno il lor godere

Fa ch'ognuno tralasci e balli e canti
l'aria che temperata dà piacere
e la stagion che invita tanti e tanti
d'un dolcissimo sonno al bel godere

I cacciator alla nov'alba a caccia
con corni, schioppi e cani escono fuore;
fugge la belva e seguono la traccia.

Già sbigottita e lassa al gran rumore
de' schioppi e cani, ferita minaccia
languida di fuggir, ma oppressa muore









Inverno
Agghiacciato tremar tra nevi algenti
al severo spirar d'orrido vento
correr battendo i piedi ogni momento
e per soverchio gel battere i denti

Passar al fuoco i dì quieti e contenti
mentre la pioggia fuor bagna ben cento
Camminar sopra il ghiaccio, e a passo lento
per timor di cader girsene intenti.

Gir forte, sdrucciolar, cader a terra,
di nuovo ir sopra 'l ghiaccio e correr forte
sin che il ghiaccio si rompe e si disserra;

sentir uscir dalle ferrate porte
Sirocco, Borea e tutti i venti in guerra;
questo è 'l verno, ma tal che gioia apporte


Printemps

Revoici le printemps : les oiseaux réjouis
lui font fête, le saluent d'un gai gazouillis ;
sous le souffle léger de l'inconstant zéphyr,
les sources coulent un clair et doux murmure.

Mais voilà que surgit et qu'assombrit l'azur
le manteau lourd et noir des éclairs, du tonnerre :
l'orage est proche ; sitôt s'est-il estompé,
les oiselets se reprennent à pépier.

Le chevrier, sur l'herbe tendre et fleurie,
son chien fidèle à ses côtés,
s'endort, à l'ombre bruissante des charmilles,

tandis qu'au son joyeux de la musette
dansent les nymphes, dansent les bergers
dans tout l'éclat du printemps retrouvé.


Eté

La chaleur épaisse qu'embrase le soleil
accable l'homme, alanguit le troupeau, calcine la forêt ;
le coucou égrène ses notes l'une à l'autre pareilles,
la tourterelle au loin parle au chardonneret.

Une brise à peine respire, quand soudain
le vent venu du Nord bouscule et menace
le berger ébaubi, qui pressent la bourrasque
imminente, et redoute les coups du destin.

La crainte de l'averse, des éclairs, de la foudre,
met un terme au repos de son corps fatigué,
tourmenté par le vol bourdonnant de mouches agacées.

Il avait, hélas, bien raison de trembler :
les cieux grondent, ils s'allument, et la grêle
couche et fauche les tiges déjà hautes.


Automne

Le village, dans les chants et les danses,
festoie : la récolte a été opulente ;
enivré par le jus de la treille,
l'un ou l'autre s'abandonne au sommeil.

Car l'air est tiède, et sa clémence
peu à peu assagit les danseurs ;
la saison les invite au bonheur,
à la pause, à la trêve dans l'abondance,

avant qu'à l'aube fraîche le chasseur,
et ses cors, ses fusils et sa meute,
ne poursuive à la trace un gibier débusqué

que talonnent les chiens, que déroutent les cris,
et qui tombe, affolé, blessé, assourdi,
las de fuir, pris de peur, et qui meurt.


Hiver

Grelotter sous la bise et la neige glacée,
trouer les tourbillons d'un vent fort et méchant,
fouler le sol durci en le battant des pieds,
trembler transi de gel, tout en claquant des dents ;

passer au coin de l'âtre des heures tièdes et calmes
quand la pluie au dehors déverse des torrents,
marcher sur le verglas à petits pas prudents
et faire demi-tour par crainte de chuter ;

s'élancer, tournoyer, tomber dans la glissade,
repartir plein d'entrain, virevolter gaiement
si la glace tient bon sans nulle craquelure ;

entendre s'engouffrer aux portes boréales
vents du Nord, vents de l'Est, en ouragans déments:
tel est l'hiver, telles les joies de la froidure.



(traduction: Claire Papageorgiadis)

lundi 15 octobre 2018

A.Karanastasis, Dictionnaire Historique et Grammaire des idiomes grecs d'Italie méridionale




 Au nom de Gehrard Rohlfs, dont les travaux ont éclairé la provenance antique des deux îlots linguistiques que sont la Grecìa salentina dans les Pouilles, au sud de Lecce, et la Bovesia (ou Grèce calabraise) dans le massif de l’Aspromonte, au sud-est de Reggio Calabria, il convient d'adjoindre celui d’Anastasios Karanastasis, un philologue grec dont l’œuvre monumentale complète, par ses relevés minutieux, celle du brillant chercheur allemand.
Rohlfs qui étudiait en tant que romaniste les dialectes italiens du Sud avait relevé chez certains d’importantes influences grecques ; il entreprit vers le milieu du XXe s. plusieurs voyages d’études dans le sud de la Grèce, au cours desquels il collabora avec un chercheur de l’Académie d’Athènes qui depuis 1954 collectait du matériau lexical pour le Dictionnaire Historique du Grec moderne : Anastasios Karanastasis, lequel s’était intéressé aux dialectes de quelques îles égéennes. Rohlfs apprécia sa compétence, la qualité de son contact avec la population, sa bonne connaissance de l’italien, et suggéra à l’Académie d’Athènes de lui confier l’étude des idiomes grecs de l’Italie méridionale. Il avait depuis 1924 acquis la conviction que ces îlots linguistiques ne résultaient pas de migrations médiévales ou plus récentes, mais que la tradition linguistique de la Magna Grecia ne s’était jamais interrompue et que ces parlers étaient la trace vivante d’un rapport culturel persistant entre le monde antique et l’Italie actuelle.
Quand Karanastasis constata qu’un abondant matériau tant lexical que morphologique et sémantique n’avait encore été ni relevé ni recensé, que ce soit par Rohlfs ou par d’autres, il pressentit qu’il y avait là de quoi contribuer de façon définitive à résoudre le problème de l’origine et il entreprit de composer un dictionnaire de ces idiomes. Il consacrera trente-cinq ans de sa vie à identifier les preuves que leurorigine remonte à l’époque de la Grande Grèce. Il effectua en Italie vingt séjours à raison de deux mois par an de 1962 à 1982, finançant de ses deniers les six dernières expéditions. Il a laissé le souvenir d’un homme très organisé, méthodique et entièrement absorbé par ses recherches.
En 1992 paraissait le cinquième et dernier tome de l’ Ιστορικόν Λεξικόν των Ελληνικών Ιδιωμάτων της Κάτω Ιταλίας et en 1997, peu avant de mourir à l’âge de quatre-vingt-treize ans, Karanastasis put encore assister à la publication de leur Γραμματική, qu’il considérait comme le couronnement de son œuvre.
Alors qu’à la fin du XXe s. on parlait encore le griko dans neuf villages du Salento, il n’est plus guère parlé aujourd’hui que par quelques personnes âgées à Calimera, Castrignano de’ Greci, Corigliano d’Otranto, Martano, Martignano, Sternatia e Zollino.
En Calabre, avant la Seconde Guerre Mondiale, le grec calabrais était parlé dans la vallée de l’Amendola, à Bova, Bova Marina, Chorio di Roccaforte, Chorio di Roghudi, Condofuri, Gallicianò, Roccaforte del Greco (Vunì), Roghudi. L’isolement et l’analphabétisme auxquels ces villages étaient condamnés faute de routes carrossables, favorisaient le maintien de la langue. Après la guerre, la construction de routes, l’instruction obligatoire, l’expansion des mass media, le service militaire effectué au loin, les mariages entre grécophones et italophones (jusqu’alors prédominait l’endogamie) et bien d’autres facteurs menèrent à une rapide assimilation linguistique avec l’ensemble de la population italienne.
A l’époque du fascisme, la conviction s’était répandue que mieux valait éviter ces rustres agriculteurs, des paysans ignorants, dont il ne fallait pas parler la langue. Si on y ajoute la politique mussolinienne envers les particularismes régionaux et les minorités linguistiques, on comprend comment les habitants de ces régions ont été amenés à ne plus parler leur langue en famille et sont arrivés à en abandonner un usage exclusif. « Aux obstacles posés par l’homme - écrit Karanastasis dans la préface du Λεξικόν se sont ajoutés ceux de la nature. A Roghudi, sur la crête d’une colline, un éboulement a en 1975 semé la panique et les habitants ont abandonné le village pour s’établir sur le littoral où ils allaient linguistiquement s’assimiler. En 1977 des inondations ont détruit les maisons en brique crue de Chorio Roghudi, et la population s’est réfugiée à Reggio où elle s’est installée. Une trentaine de familles restées au village parlaient encore le grec ». Aujourd’hui (en 2018) on ne l’entend plus qu’à Gallicianò.


Le problème de l'origine
Dans l’Introduction au Λεξικόν Karanastasis récapitule les différentes thèses concernant l’origine de ces idiomes. Au début du XIXe s. à peu près personne ne savait qu’au sud de l’Italie le grec était la langue maternelle de quelques populations, avant qu’une publication de l’érudit allemand Karl Witte relatant son voyage en Aspromonte ne soulevât à partir de 1820 l’intérêt de la communauté scientifique quant à l’origine de ces ilôts linguistiques.
En 1856 le philologue August Friedrich Pott estimait qu’il s’agissait d’un dialecte non pas antique mais présentant des caractéristiques du grec moderne. En 1863 Cesare Lombroso émettait l’hypothèse que les colons grecs de l’Antiquité s’étaient métissés avec les populations romaines, avant une arrivée plus tardive de populations d’origine grecque. Pour Zampelios et Comparetti (1864-1866) le grec avait été introduit lors de la période iconoclaste de l’empire byzantin.
Le linguiste italien Giuseppe Morosi décida alors d’examiner la question sur des bases scientifiques. Il collecta de 1860 à 1873 un important corpus et en examina minutieusement le vocabulaire et la grammaire. Il y vit une forme néohellénique et affirma que ces idiomes avaient été amenés par des colons byzantins venus principalement du Péloponnèse, région dont la langue lui paraissait ressemblante. Il pensa que les données linguistiques confirmaient des données historiques, et en conclut que les Grecs du Salento remontaient à l’époque de Basile Ier et de Léon le Sage (IX-Xe s.) tandis que que ceux de l’Aspromonte provenaient d’émigrations des XI-XIIe s. « La thèse de Morosi, s’appuyant sur des conclusions linguistiques et historiques scientifiquement établies , fut considérée comme vérité scientifique et s’imposa sans avoir été contrôlée ni vérifiée en détail » rapporte Karanastasis.
En 1892 Georgios Hadzidakis avança des objections : il ne se peut pas que la langue grecque ait disparu du Sud de l’Italie à l’époque antique alors que la langue actuelle de ses populations grécophones contient des vocables anciens et des éléments doriques n’existant dans aucun dialecte grec moderne et ne pouvant par conséquent avoir été amenés par des colons byzantins. Si les idiomes grecs d’Italie présentent des ressemblances avec tel ou tel dialecte grec actuel, cela est dû au fait qu’ils ont hérité de la Koinè des caractéristiques communes.
Cette position qui ne fut pas largement diffusée aurait été oubliée si trente ans plus tard Rohlfs ne l’avait adoptée et approfondie. Il collecta du matériau linguistique, vérifia celui recueilli par Morosi, examina les relations entre dialectes italiens et grecs de la même zone, rapprocha données historiques et linguistiques, et publia en 1924 un article concluant que les éléments antiques conservés dans le vocabulaire et la grammaire témoignent que la tradition linguistique ne s’est pas interrompue et subsiste en ces lieux jusqu’aujourd’hui.
La thèse de Rohlfs, largement documentée autant que cela était possible à l’époque, provoqua de longues discussions. S’y opposèrent surtout des philologues italiens. Après de nouvelles recherches (Péloponnèse, Dodécanèse, Crète, Chypre) Rohlfs publia en 1930 et 1950 des conclusions auxquelles tentèrent de s’opposer les tenants de la thèse de Morosi.
Oronzo Parlangeli, s’appuyant sur des ressemblances entre idiomes grecs d’Italie et dialectes néohelléniques, chercha en 1953 à démontrer la provenance byzantine des grécophones du Salento et, indirectement, de ceux de Calabre. Il avançait comme arguments : 1° la Chronique de Monemvasie selon laquelle les habitants de Patras émigrèrent vers Reggio Calabria au VIe s., 2° un témoignage relatif à la colonisation de Gallipoli par les habitants de Heraklée (Pont Euxin), 3° le fait rapporté par Constantin Porphyrogénète que trois mille esclaves byzantins auraient été envoyés de Patras en Longobardie, territoire dont faisait partie le Salento. Ces nouveaux éléments historiques semblant étayer la thèse de Morosi, l’étude de Parlangeli fut bien accueillie.
En 1958, Stamatis Karatzas répondait à ces arguments. Même si les informations se révélaient fiables, trois mille esclaves n’auraient pu imposer leur langue au Salento : venaient-ils tous de la même région de Grèce ? ou étaient-ils des prisonniers de guerre ? De toute façon, la langue des hypothétiques migrants de Patras n’avait aucun rapport avec le dialecte grec du Salento. Quant aux émigrés de la chronique de Monemvasie, s’ils avaient été si nombreux et étaient restés si longtemps à Reggio Calabria, cela aurait influencé la langue de Reggio. Ce n’est pas le cas, et la langue grecque qu’on trouve à soixante-dix km de Reggio, dans une région où un habitant de Patras n’a jamais mis les pieds, n’a aucun rapport avec la langue de Patras.
Passant au domaine linguistique, Karatzas analyse un fait d’une importance décisive : tous les idiomes grecs d’Italie ont maintenu les consonnes géminées, qu’elles soient de tradition antique ou qu’il s’agisse de géminées apparues ultérieurement par assimilation de consonnes ou influence de l’accent. Or on sait que les géminées ont commencé à se simplifier au début de la Koinè. Lors de l’arrivée des colons byzantins dans le Sud (IX-Xe s.) cette simplification s’était déjà produite dans presque tout le territoire grec, sauf dans des régions périphériques (comme Chypre, le Dodécanèse, des îles des Sporades, l’Italie méridionale) où l’influence de la Koinè était arrivée affaiblie. Dans le Péloponnèse d’où selon Morosi seraient partis les migrants, les géminées ne s’étaient pas maintenues.
Il n’y a pas de témoignages historiques attestant de déplacements de populations vers l’Italie en provenance de régions où les géminées se sont maintenues. Et il n’est par ailleurs pas crédible que soient partis de Chypre, de Chios ou de Rhodes des migrants en nombre suffisant pour coloniser tous les villages des deux régions grécophones sans exception elles se sont conservées, des inscriptions confirmant leur existence.
Quinze ans plus tard Giuseppe Falcone, disciple de Parlangeli, compare les phénomènes phonétiques et morphologiques des idiomes calabrais avec ceux de quelques régions périphériques qui ont conservé les géminées (Chios, Rhodes, etc) pour en conclure que les idiomes calabrais sont un mélange de Koinè néohellénique et de certains dialectes du Sud. Bien qu’il qualifie de « problème atroce » la conservation des géminées, il affirme que le phénomène est d’origine byzantine et non antique ou dorique (« selon la même vieille théorie, écrira Rohlfs, et avec des arguments fallacieux et désespérés »).
En 1978 Mariateresa Colotti relève, comme Falcone, des cas analogues de géminées dans le Salento et dans des dialectes de grec moderne et en tire la même conclusion.


Le Dictionnaire Historique
Αναστασίου Καραναστάση, Ιστορικόν Λεξικόν των Ελληνικών Ιδιωμάτων της Κάτω Ιταλίας, 5 τόμ., Ακαδημία Αθηνών, 1984-1992, Αθήναι - [Dictionnaire Historique des Idiomes Grecs de l’Italie du Sud, 5 vol., Académie d’Athènes, 1984-1992, Athènes] (la traduction par Pasquale Casile (dir.) du Volume I, éd. Apodiafazzi, Reggio Calabria, 2020 traite des lemmes en a- du grekaniko)
Dans l’Introduction, l’auteur décrit sa méthode de travail : « La langue grecque n’est plus comme auparavant parlée en famille et dans le village. Il est donc normal que pour les grécophones les mots qui ne sont pas utilisés quotidiennement finissent par se décolorer, et les informations à leur propos sont souvent contradictoires. Ma préoccupation première était de trouver dans chaque village des informateurs fiables, aptes à m’aider dans la tâche difficile de recueillir un matériau linguistique très riche mais très particulier. Le contenu du Dictionnaire provient principalement du parler quotidien et de toutes les formes de discours : contes, traditions, légendes, proverbes, dictons, chansons, devinettes, virelangues. J’ai visité tous les villages des deux zones grécophones, même ceux où le grec n’est plus usité comme Melpignano et Soleto dans le Salento, Amendolea, Bova Marina et Condofuri en Calabre, et j’ai pu recueillir auprès des quelques locuteurs restants un matériau peu abondant mais représentatif. J’ai aussi inclus tout ce qui a été édité (des recueils de G. Aprile, D. Palumbo, P. Stomeo, S. Sicuro, G. Crupi, D. Rodà, ainsi que quelques journaux où malheureusement les éditeurs remplacent les emprunts italiens par des termes néogrecs boiteux), sans négliger les lettres que des amis m’écrivaient dans l’idiome de leur village. J'ai recouru aux publications de G.Morosi, A.Pellegrini, P.Lefons, D.Tondi et M.Cassoni pour rectifier une forme erronée ou en vérifier une qui ne se rencontre plus ».
Le but de ce Dictionnaire Historique, présentant l’évolution diachronique à travers les aspects phonétique, étymologique et sémantique, est de conserver sur support papier une langue dont l’usage a été exclusivement oral. Y figure une grille de transcription phonétique, destinée au lecteur grec. A la fin de chaque volume on trouve un index des termes grecs anciens dont proviennent les entrées du dictionnaire, et dans un second index les formes idiomatiques. Le volume V contient en outre l’index des dorismes et celui de mots grecs rares.
Les entrées sont ordonnées selon l’ordre alphabétique grec. Le lemme, en gras, est suivi des différentes formes et de phrases idiomatiques en italique. Viennent ensuite les traductions en grec moderne et, répartis en trois paragraphes, les commentaires grammaticaux, étymologiques, sémantiques.
Après la catégorie grammaticale on trouve le mot grec ancien à l’origine du mot examiné, puis la zone linguistique (Pouille ou Calabre), les variétés lexicales locales, et plusieurs indications grammaticales (temps et modes verbaux, etc). Pour l’étymologie, des indications morphologiques sont souvent accompagnées de références bibliographiques. On trouve enfin, traduites en grec moderne, les significations et des phrases illustrant l’emploi du mot.
Voici à titre d’exemple la transcription en caractères latins et la traduction française de quelques extraits un peu allégés à propos du mot 'amponno' :


Domaine lexical

amponno {ἀμπών-νω} (ampotho {ἀμπώθω}) (Calim., Mart., Stern., et al.) amponno {ἀμπών‑νω} (Castrin., Coril., Stern., Zoll). ambonno {ἀμbών‑νω} (Gall., Bova, Ch. di Rogh.) emponno {μπών‑νω} (Mart., Martin.) mponno {μπών‑νω} (Calim., Mart., Martin.) ... + les formes de conjugaison

Domaine étymologique

Du byzantin ampotho {ἀμπώθω} et celui-ci du grec ancien apothò {ἀπωθῶ} avec développement de la nasale m {μ} (Ref. Κορ. Ἄτ. 1, 288, 2, 41 e Hadzidakis MNE 1,278, 286, 291 e 2, 32). La formationono > - onno {- ώνω > - ών-νω} à partir de l’aoriste àposa> àmposa {ἄπωσα > ἄμπωσα}, selon edìlosadilono {ἐδήλωσα - δηλώνω}, fanèrosafanerono {φανέρωσα - φανερώνω}. La géminée nn {ν-ν} vient de l’influence de l’accent; phénomène commun aux idiomes avec géminées (ref. Rohlfs Gr. Stor., § 159. Voir aussi apponno {ἀππώνω} (Cip.) ’pponno {’π-πών-νω} (Astipalea, Kos, Rodi, Chalk.). Le type mponno {μπών-νω} a perdu le a {α} à cause de la prononciation simultanée ta amponno >  t’amponno > ta mponno {τὰ ἀμπών-νω > τἀμπών-νω > τὰ μπών-νω}. Pour l’expulsion du s {σ} dans les formes de l’aoriste àmboa, àmboe, amboi {ἄμbωα, ἄμbωε, ἀμbώει} voir Rohlfs op. cit. § 61. ... (etc)

Domaine sémantique

A) sens propre : othò, apothò, sprokhno {ὠθῶ, ἀπωθῶ, σπρώχνω= pousser, repousser} id. : amponni to pedì na embi sto spiti {ἀμπών-νει τὸ παιδὶ νὰ ἔμbη στὸ σπίτι=il pousse l’enfant pour qu’il entre dans la maison} (Bova). Ecino ambonni to vudi nna ngremistì {Εκ̍εῖνο ἀμbών-νει τὸ βούδι ν-νὰ νgρεμιστ=celui-là pousse le boeuf pour qu’il tombe}. Mi m’amboi, jatì me risti {Μὴ μ’aμbώη, γιατὶ με ρίστει=ne me pousse pas parce que tu me feras tomber}. To vudi àmbose to pedì c’èppese khamme {Τὸ βούδι ἄμbωσε τὸ παιδὶ κ̍’ ἔπ-πεσε χάμ-μαι=le boeuf a poussé l’enfant et il est tombé à terre}. ‘e sonno amboi { σών-νω ἀμbώει=je ne réussis pas à pousser} (Bova). Enan ambonni t’addho t’animàlgia {ναν ἀμbών-νει τ’ ἄḍḍο τ ἀνιμάλgια=les animaux, l’un pousse l’autre}. Steki ambonnonda ‘im borta ce theli nambi ossu {Στέκει αμbών-νονdαμ bόρτα κ̍α θέλει νμbη ὄσσου=il est en train de pousser la porte et veut entrer à l’intérieur}. Evĝa, amboe tim borta {Ἔβγα, ἄμbωε τὴμ bόρτα=sors, pousse la porte}. Immon ambòsonda tim borta {Ἦμ-μον ἀμbώσονdα τὴμ bόρτα=j’avais poussé la porte}. I porta en’ ambomeni, jatì en’ anithtì { πόρτα ἔνμbωμένη, γιατὶ ἔνἀνοιθτὴ=la porte a été poussée, parce qu’elle est ouverte} (Ch. di Rogh.). Amo ce mpose c’emba {Ἄμο κ̍α μπσε κ̍’ ἔμbα=allez, pousse et entre}. Ampònnome ‘a milissia m’ ‘o kannò {Ἀμπών-νωμε μιλίσ-σια μ’ο καν-νὸ=nous repoussons les abeilles avec la fumée} (Calim.). Ampose dio fsila ss’ i llumera {μπσε dύο φσύλα σ‑σ λλουμέρα=pousse deux bois sur le feu} (lumera, du fraçais lumière=lumière, feu). Épesa, jatì irta mpomeno {Ἔπεσα, γιατὶ ἦρτα μπωμένο=je suis tombé parceque j’ai été poussé} (Mart.). To pedì àmponne ti pporta, ma ‘en ìsodze tin anissci {Τὸ παιdὶ ἄμπων-νε τὴ π‑πόρτα, μὰὲν ἤσωdζε τὴν ανοίσ̌-σ̌ει=l’enfant poussait la porte mais ne réussissait pas à l’ouvrir} (Zoll.). Ampa na sp’rì tutti ssèdia ampì {Ἄμπα να σπ’ρὶ τούτ-τη σ-σέdια ἀμπὶ=pousse un peu cette chaise en arrière} (sèdia=l’italien sedia). Àmposo, àmposo, agonistu n’amposi {Ἄμπωσο, ἄμπωσο, ἀgωνίστου ν’ ἀμπώση=pousse, pousse, essaie de pousser} (à une femme qui accouche) (Stern.)

B) metaphoriquement: 1. faire avancer (Stern.): Tòriso na m’amposi to polemisi {Τώρησο νὰ μ’ ἀμπώσει τὸ πολεμήσει=veille à faire avancer la question 2. repousser, repousser moralement (Martin.): Kulùtiso ‘o Kristò, mpose ‘o demoni {Κουλούτησο Κριστό, μπώσε dαιμόνι=suis le Christ, repousse le diable}.


 
Si on compare le Λεξικόν de Karanastasis avec le Lexicon Graecanicum - Etymologisches Wörterbuch der unteritalienischen Gräzität (1964)  de Rohlfs, il apparaît que les deux dictionnaires, conçus à des moments différents, l’ont étédans des optiques différentes.  Le Λεξικόν étant rédigé en grec, sa consultation peut se  révéler moins aisée.
Chez Rohlfs les entrées sont les mots de grec ancien ou byzantin d’où proviendrait le mot examiné . Si le mot grec ancien n’existe pas, Rohlfs utilise un terme supposé. Chez Karanastasis, par contre, les entrées sont les termes du parler local.

Le dictionnaire de Rohlfs n'accorde pas souvent une grande place aux considérations grammaticales, lesquelles sont plus développées chez Karanastasis.Rohlfs ne cite que quelques variantes, provenant de quelques villages, et il est rare qu’il situe le mot dans un contexte. Le relevé opéré par Karanastasis est beaucoup plus complet et il rapporte nombre de phrases éclairant la fonction des mots. Il arrive que Rohlfs traite un article en dix-huit lignes quand Karanastasis y consacre deux pages. 
Enfin Rohlfs signale comment le mot a évolué en italien local, ce qui n’intéresse pas Karanastasis.
Non seulement 1500 nouveaux termes environ sont venus s’ajouter aux 4800 lemmes du Lexicon Graecanicum de Rohlfs mais ceux-ci ont été enrichis   ou complétés.  Ce qui fait du Dictionnaire Historique de Karanastasis  l’ensemble le plus complet et le mieux structuré rendant compte de ces idiomes transmis par la seule voie orale. Son intérêt particulier est de fournir d’innombrables phrases recueillies de la bouche des locuteurs et où apparaît immédiatement la fonction du mot examiné.
Rohlfs a été le grand pionnier, Karanastasis a achevé de « thésauriser» la langue des grécophones d’Italie méridionale. Le mérite fondamental de leurs recherches est de mettre en lumière que c’est dans et par cette langue même que peut se résoudre le problème de son origine. Ce sont des éléments essentiellement linguistiques, que ne suffisent pas à expliquer des migrations ou des influences supposées, qui permettent d’attester la continuité d’une tradition ininterrompue depuis l’époque de la Magna Grecia.

La Grammaire
Αναστασίου Καραναστάση, Γραμματική των ελληνικών ιδιωμάτων της Κάτω Ιταλίας, Ακαδημία Αθηνών, 1997, Αθήναι - [Grammaire des idiomes grecs de l’Italie du Sud, Académie d’Atnes, 1997, Athènes] (Iannis Papageorgiadis, Grammatica degli Idiomi greci del Sud Italia, en format web sur www.grecosuditalia.it)


Après la publication des cinq tomes du Λεξικόν, une synthèse des différents aspects étudiés s’imposa à l’auteur comme l’indispensable complément au Dictionnaire. « Grâce aux nouveaux éléments lexicologiques, phonétiques, morphologiques, sémantiques, que nos recherches ont ajoutés à ceux qui existent déjà, nous sommes en mesure d’examiner avec davantage de certitude la question de leur origine » (Postface).
Il importe de souligner que cette Grammaire n’est clairement pas conçue comme une grammaire normative, mais bien comme une grammaire descriptive où, en philologue et en linguiste, l’auteur observe et analyse les caractéristiques d’une langue considérée comme un ensemble de faits vivants. Il lui a paru normal, terminée la description scientifique de l’òria glossa, la « belle langue », de la compléter par quelques textes (récits, chansons, proverbes) qui l’illustrent dans sa vie quotidienne.


PHONETIQUE
Une analyse très détaillée décrit comment, depuis le grec ancien, ont évolué voyelles et consonnes selon certaines règles phonologiques.
Les voyelles suivent en général la même évolution que dans le sud de la Grèce, selon qu’elles sont toniques ou atones, faibles ou fortes, etc. Certaines ont conservé - parfois partiellement - leur valeur phonétique antique en fonction de leur contexte (position dans le mot, influence d’autres sons voisins, etc). Sont examinés à travers de multiples exemples les phénomènes de permutation, de synérèse, d’élision et autres.
Pour les consonnes particulièrement, la description phonétique a toute sa raison d’être : elle analyse comment et pourquoi des phénomènes se sont maintenus ou ont évolué, tels que la permutation déjà antique κσ>σκ [ks>sk], le maintien du nœud consonantique ντ [nt], l’assimilation du ‑ς final, le maintien des géminées témoignant d’une tradition continue depuis la Magna Grecia, etc. 
Les consonnes γ, δ, θ, ζ, ξ, ψ se prononcent de différentes façons dans les deux régions. L’expulsion des ‑ν, ‑ς [-n,-s] en finale serait pour Rohlfs due à l’influence de l’italien (tres>tre, nomen>nome) mais on observe le même phénomène dans le dialecte tsakonien où il n’y a eu aucune influence italienne.
L’assimilation fréquente du -ς final avec la consonne suivante (comme dans les dialectes de Tsakonie et du Magne, régions de l’ancien dorique), ainsi que quelques rares éléments lexicologiques et sémantiques antiques (des termes de la vie agricole et pastorale, des phytonymes) et des éléments lexicologiques doriques permettent d’attester que la langue des idiomes grecs de la Calabre et des Pouilles descend de celle des colons doriques de Reggio et de Tarante (VIIIe s. a.C.) qui s’est maintenue dans la langue orale jusqu’à aujourd’hui sans discontinuité.
Tout passe au crible de Karanastasis, les nœuds consonantiques, les phénomènes d’accentuation ou de simplification, la parétymologie. Si les gens ne comprennent pas bien le sens d’un mot ils le mettent souvent en rapport avec un autre qui lui est étymologiquement étranger. Dans les noms de végétaux par ex., l’élément àĝrios=sauvage est remplacé par aĝròs=champ, parce que àĝrios ne sonne pas bien pour une plante. On rencontre ainsi kharapìa=guérison, parce que θεραπεία est devenu χαραπεία par parétymologie avec χαρὰ=joie, contentement.
Ce chapitre, même s’il ne compte que 28 pages sur un total de 189, est le plus intéressant de la Grammaire.


MORPHOLOGIE
On voit ici, par ex., comment le phénomène phonétique de la chute des finales -ν et -ς a entraîné plusieurs modifications morphologiques affectant les désinences ou le genre, ou comment la rencontre de la voyelle thématique avec le sigma de l’aoriste a provoqué certaines modifications phonétiques. Sont aussi examinées très en détail, avec des tables de déclinaison et de conjugaison, toutes les parties du discours, ainsi que la composition des mots.  
 
SYNTAXE
Le chapitre analyse et illustre les questions syntaxiques de la proposition simple (place de l’épithète, usage des cas, temps et modes verbaux, etc) et des propositions subordonnées.



Une solution au problème de l’origine

Le seul document historique dont on dispose est celui de Strabon (6, 2, 53) qui écrit au début du Ier s. p.C. : “ Aujourd'hui, à l'exception de Tarente, de Rhegium et de Neapolis, tout le pays est barbare : une partie se trouve occupée par les Lucaniens et les Brutiens, et les Campaniens possèdent le reste, nominalement du moins, car en réalité ce sont les Romains, les Campaniens eux-mêmes étant devenus Romains”. Les tenants de la théorie de Morosi ont conclu de ce texte que l’hellénisme de la Grande Grèce avait disparu sous l’hégémonie des Romains. Pour Rohlfs, il y a sans doute chez Strabon une exagération : si à son époque ces trois grandes villes parlaient toujours grec, à plus forte raison les populations des campagnes, éloignées des centres administratifs, n’auraient-elles pas perdu leur langue. Et la présence d’inscriptions chrétiennes, deux ou trois siècles plus tard, y confirme la continuité de la langue grecque.

Quant à l’occupation des régions grécophones par des colons byzantins, les informations sont vagues et étrangères à la question de l’origine de la langue. Les éléments historiques disponibles ne permettant pas de résoudre le problème, ce vide permet aux tenants de la thèse de Morosi d’interpréter les choses selon leur vision, estime Karanastasis. « La langue à elle seule peut combler ce manque, conclut-il. Les éléments lexicologiques vérifiés constituent les documents historiques les plus authentiques, ce qu’a démontré Karatzàs par son analyse détaillée et concluante du cas des géminées. (…) Un examen minutieux du lexique, des phénomènes phonétiques, morphologiques et sémantiques encore vivants dans les idiomes grecs d’Italie fournira les éléments qui confirment l’unité des deux îlots linguistiques. Il nous fournira aussi nombre d’éléments doriques et prébyzantins, tant linguistiques que sémantiques, qui nous aideront à vérifier si les vecteurs auxquels est redevable la conservation de la langue sont le fait de colons byzantins ou prébyzantins » (Λεξικόν, préface vol.I).

La Grammaire illustre les points d’un patrimoine morphologique et syntaxique commun qui avait déjà été dégagé par Karatzàs et Rohlfs : la conservation des géminées, le type indéclinable des participes présent et aoriste, l’usage du présent pour exprimer le futur, la construction steo (Pouille) / steko (Calabre) + participe présent pour exprimer la durée d’une action, l’expression du plus-que-parfait par l’imparfait ikha [j’avais] (Pouille) / immon [j’étais] (Calabre) + participe aoriste (remarque importante pour la traduction : la différence actif / passif dépend de la forme du participe), l’expression d’une hypothèse contraire à la réalité par la conjonction an [si] + l’imparfait, et un simple imparfait dans la principale.
Le Λεξικόν ajoute huit éléments lexicologiques doriques aux quinze recueillis par Rohlfs. C’est dans les idiomes grecs d’Italie qu’on trouve la majeure partie des rares dorismes qui subsistent. Karanastasis relève aussi une quinzaine de termes prébyzantins qui ne se rencontrent ni en grec byzantin ni dans la Koinè néohellénique ni dans les idiomes actuels, tout comme plusieurs éléments sémantiques qu’il rapproche de sources telles que Sophocle, Aristophane, voire Homère. 
 
Ces divers éléments sont présents principalement dans la terminologie paysanne . Or « les colons byzantins d’Italie méridionale étaient des soldats, des fonctionnaires, des commerçants, des moines, pas des agriculteurs ni des bergers. La région de l’Aspromonte, où sont conservés en plus grand nombre les termes antiques, est une zone aride qui ne pouvait les attirer. En admettant même qu’ils y soient arrivés, ils ne pouvaient transférer ces termes pour la simple raison qu’ils n’existaient plus dans la langue des Byzantins (préf. Λεξ. vol.I) ».

Les partisans d’une origine mégalo-hellénique des idiomes réfutent donc l’idée que leur origine soit la langue des colons byzantins. Ils  soulignent que c'est à une échelle réduite que des Grecs se sont alors installés en Italie et que ces populations hétérogènes se sont intégrées linguistiquement en assez peu de temps. 
 
Que les idiomes grecs d’Italie du Sud se soient sans nul doute renforcés durant cette période, en témoigne la compénétration observable aujourd’hui d’un substrat archaïque (géminées, éléments doriques…) et d’un autre plus récent avec des éléments de grec byzantin et de grec moderne. 
 
Dans un article de 1992 Karanastasis établira définitivement que la langue des grécophones de l’Italie méridionale s’est édifiée sur quatre substrats : un archaïque contenant des éléments doriques, un hellénistique, un byzantin et un constitué d’emprunts aux dialectes romans voisins.
 
Iannis et Claire Papageorgiadis